iAntitrust : chers amis, il est temps de vous rendre la parole !

Lutter contre l’injustice. C’est ce que nous avons toujours fait, et nous continuons à le faire. Cela inclut notamment la lutte contre les grandes injustices, celles que l’on trouve à grande échelle…

Par exemple, en 2017, nous sommes parvenus à un accord avec Microsoft pour que l’entreprise arrête de conférer des avantages déloyaux à ses antivirus. Oui, Microsoft est le Goliath des temps modernes, mais nous sommes aussi un David des temps modernes ! Nous devons l’être. Quelqu’un doit faire face à ces géants, ici et maintenant, lorsqu’ils commencent à s’imposer de façon déloyale. Si nous ne faisons rien alors les utilisateurs auront moins de choix.

L’année dernière nous avons dû enfiler nos gants de boxe pour livrer une autre bataille. Encore une fois, il s’agissait d’un problème antitrust mais avec un autre Goliath : Apple. Si nous avançons d’environ un an, j’ai deux informations à partager avec vous à ce sujet…

D’abord, revenons quelques années en arrière : un peu de contexte.

Au début – des jours heureux…

En 2008, grâce au succès extraordinaire des iPhones, Apple a ouvert son App Store. Pour remplir ses « rayons » l’entreprise a invité les développeurs indépendants à s’en servir comme plateforme pour vendre leurs logiciels spécialement pensés pour iOS. Ces développeurs indépendants se sont lancés et ont conçu des milliers d’applications (avance rapide de 12 ans et elles se comptent désormais en millions). Les utilisateurs du monde entier sont ravis d’avoir autant de choix et Apple et les développeurs indépendants font de gros bénéfices. Tout allait bien, nous vivions en paix et en harmonie, et on pensait vivre heureux pour toujours.

Les affaires sont les affaires… En fin de compte Apple existe, comme n’importe quelle entreprise commerciale, et cherche avant tout à gagner de l’argent. Elle a donc commencé à se diversifier. Elle a créé d’autres objets connectés (iThings), divers services et bien d’autres choses. Pourtant Apple aspire à toujours plus. C’est à ce moment-là que l’entreprise s’est tournée vers les marchés des applications iOS produites par les développeurs indépendants pour l’App Store.

Avance rapide jusqu’en 2020.

J’ai beaucoup de respect pour Apple. La société a imaginé un modèle d’entreprise florissant que beaucoup envient et essaient d’imiter. Ce n’est pas mon cas. De plus, je ne suis pas complètement d’accord avec la plupart de ses politiques (avant tout en matière de cybersécurité) mais cela ne signifie pas pour autant que je ne la respecte pas (même si je n’utilise pas les produits Apple). Nous avons travaillé avec Apple pendant plusieurs années et, jusqu’à récemment, c’était un partenariat équitable.

Tout comme des dizaines de milliers de développeurs indépendants l’ont fait, nous avons aussi créé des applications iOS utiles et qui augmentent de façon générale l’attrait de la plateforme. Nous avons eu une certaine activité mobile rentable avec Apple mais les utilisateurs en étaient les réels bénéficiaires (puisqu’ils disposaient d’applications toujours plus pratiques). Tout le monde y trouvait son compte. Puis, fin 2018, Apple a annoncé que l’entreprise partait en croisade contre les développeurs indépendants avec le lancement de Screen Time.

Cette compétition est positive puisque c’est pour le bien de l’utilisateur. Dans ce cas, plus d’applications, de meilleures applications et des applications plus variées donc plus de choix (et un développeur qui ne s’endort pas au sommet de sa liste déjà disponible sur l’App Store). Pour que la compétition existe il faut définir des règles de jeu équitables, comme le fair-play. Pour tout le monde. Pourtant Apple a détruit ces règles de jeu, et donc cette compétition. Je vais vous expliquer comment.

iStory difficile à croire.

Screen Time est entré sur un marché déjà mature qui comptait de nombreux développeurs indépendants. L’App Store proposait plusieurs applications pour le contrôle parental, la gestion du temps et d’autres tâches associées. C’est là que les choses se compliquent.

Apple a, contre toute attente, monopolisé un large éventail de fonctions essentielles, tout simplement en les rendant inaccessibles aux autres développeurs !

On se demande donc, par exemple, comment une application de contrôle parental peut fonctionner s’il est impossible de configurer les profils, de filtrer les adresses URL, de contrôler l’application et d’avoir accès à une authentique géolocalisation. Vous avez deviné juste : c’est impossible ! La situation change s’il s’agit de l’application de contrôle parental d’Apple puisqu’aucune des fonctions essentielles n’est limitée ! Il semblerait qu’il y ait une règle pour les applications Apple et une autre pour le reste.

Il est évident que ce mouvement excentrique et audacieux a été fait en prétextant certaines « inquiétudes » en matière de sécurité et de confidentialité. Pourtant, on a tout de suite vu clair dans ces fausses préoccupations.

Ensuite, Apple a commencé à expulser les développeurs de l’App Store, en retardant l’autorisation de nouveaux logiciels et en mettant en place de nouvelles exigences et conditions inacceptables. Certaines applications ont été supprimées, alors que les fonctions d’autres ont été limitées, ce qui les a rendues inutiles. Certains développeurs indépendants ont décidé de réagir. Nous en faisons partie. Les développeurs se sont rassemblés et ont créé une association pour travailler avec Apple et essayer de mettre en place des règles équitables pour tous. En parallèle, certains ont porté plainte auprès des autorités antitrust régionales et ont lancé une campagne publique dans la presse et sur les réseaux sociaux.

En juin 2019, Apple semblait avoir fait une pause et être revenu en arrière. Pourtant, il s’agissait tout simplement d’une stratégie purement tactique pour feindre un effort de bonne volonté, ce qui n’a en rien aidé à résoudre le problème actuel : les mêmes droits pour tout le monde. Cela inclut aussi Apple.

L’entreprise a ensuite lancé iOS 13… avec plus de restrictions pour frapper l’écosystème encore plus fort !

Je vais vous donner un exemple pour que vous voyiez comment les « innovations » apportées par iOS ont affecté notre application de contrôle parental Kaspersky Safe Kids.

Tout d’abord, Apple télécharge et active automatiquement Screen Time sur les dispositifs dès que la nouvelle version du système d’exploitation iOS est installée, même si l’utilisateur dispose déjà d’une application similaire. Je ne sais pas ce que vous en pensez, mes chers amis, mais pour moi cela ne ressemble pas vraiment à de la « libre concurrence ». Bien au contraire : Apple parle d’intrusion, alias entrée par la force, alias imposition, alias irruption à la fête et en résumé indésirable.

Ensuite, les nouvelles fonctions de iOS 13 permettent désormais à un enfant de désinstaller facilement Safe Kids (une annulation complète du principe même de « contrôle parental ») et de visiter n’importe quel site à partir de Safari (il est désormais impossible de le cacher) au lieu d’utiliser la navigateur sécurisé et intégré qui permet de filtrer les contenus indésirables. On ne peut pas dire que ce soit de vrais amis !

Enfin, Apple a modifié sa politique d’accès aux données de géolocalisation des dispositifs ce qui empêche les parents de connaître l’emplacement de leurs enfants ! (Non, je ne me l’invente pas. Tout cela pour soi-disant plus de sécurité, ne l’oubliez pas !).

Attendez, ce n’est pas tout. Vous êtes bien installé ? Voici le comble du comble.

Toutes ces fonctions que les développeurs indépendants ne peuvent désormais plus utiliser sont parfaitement accessibles et fonctionnent sans aucun problème pour… Tada ! Apple !

Il était impossible de ne pas remarquer une telle iAudace.

Fort heureusement, ce problème n’est pas passé inaperçu. Il a fait beaucoup de bruit aux niveaux législatifs les plus importants du monde entier. Le sénat américain a proposé d’interdire à Apple, et à toute autre grande entreprise, de placer ses applications sur son marketplace puisqu’elles vont, par défaut, privilégier leurs produits.

Des procédures antitrust ont été ouvertes en Russie. L’UE en est encore au stade d’enquête préliminaire. En effet, les conséquences négatives de cette baisse de concurrence refont surface lentement mais sûrement. Même les utilisateurs critiquent sévèrement Screen Time pour les défaillances de ces fonctions (et ce malgré sa fonctionnalité supérieure puisque la concurrence a vu toutes ses fonctions réduites !). Certains développeurs indépendants pensent que la seule façon de contourner le problème serait de demander aux utilisateurs de passer à Android pour pouvoir protéger leurs enfants.

Quant à la nouvelle dont je voulais vous parler…

Je ne sais pas encore s’il s’agit d’une bonne ou d’une mauvaise nouvelle mais une quelconque réaction est toujours la bienvenue. Nous avons essayé de nous battre pour que tout le monde ait les mêmes chances. Ce printemps, le Service fédéral antimonopole de Russie va annoncer son verdict quant à la plainte que nous avons déposée contre Apple pour abus de position dominante et création d’avantages concurrentiels illégaux via Screen Time. Presque tous les arguments et les preuves du procès ont été apportés et présentés. Ce processus s’est avéré long et complexe (vous trouverez plus de détails ici) et nous a demandé beaucoup de temps, d’effort, d’argent et d’énergie. Nous vous avons expliqué clairement quelle est notre situation et j’espère que la décision finale nous donnera raison. Croisons les doigts…

Quand M. Jobs était aux commandes, il n’y avait rien de tel.

Savez-vous à quoi cette croisade d’Apple contre les développeurs indépendants me fait penser ? Un combat entre l’écosystème iOS et l’écosystème App Store ! Le premier absorbe petit à petit les marchés les plus juteux et rentables du second. Tout cela semble écœurant puisque c’est grâce à l’App Store que la plateforme iOS a pu se développer et devenir ce qu’elle est aujourd’hui : la base des affaires de l’entreprise. Sans ce service, Apple aurait tout simplement eu un autre échec de projet, comme il y en a tant eu dans l’histoire de cette entreprise informatique.

Tout cela me rappelle la fameuse lettre écrite par Steve Jobs pour déclarer la « guerre sainte » à Google. Il s’agit d’une phrase en particulier : « Tie all our products together, so we further lock customers into our ecosystem » (Lions tous nos produits pour ensuite enfermer les clients dans notre écosystème).

Il est fort probable que seul M. Jobs sût exactement ce qu’il voulait dire. Même si au départ il était contre les applications tierces pour les iPhones (il a ensuite changé d’avis), je suis certain que, quoiqu’il en soit, les développeurs indépendants faisaient partie de ses plus grandes attentes : profiter de leurs idées et de leurs ressources pour créer le meilleur écosystème pour Apple. Il ne fait aucun doute que Jobs n’aurait pas accepté qu’Apple devienne une dictatrice arrogante, tourne le dos aux développeurs qui l’ont aidée et en fasse les victimes d’une discrimination à outrance.

Je l’ai déjà dit mais je préfère me répéter : je respecte Apple. J’ai le sentiment que tous les problèmes de notre relation peuvent se résoudre. Apple pourrait accepter un compromis raisonnable et revoir les règles injustes du jeu. Ces actions rendraient la plateforme encore plus forte puisque les développeurs indépendants pourraient lui fournir des applications complètes et couvrir de façon optimale les besoins de millions d’utilisateurs.

Pour conclure, je vous prie de bien vouloir nous soutenir dans cette bataille qui cherche à garantir que vous puissiez choisir exactement ce que vous voulez et éviter qu’une grande entreprise décide pour vous. Restez à l’affût. Je reviendrai très bientôt pour vous en dire plus dès que le FAS aura rendu son verdict…

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