décembre 20, 2016
Calme absolu sur le front démilitarisé hautement militarisé.
Il s’agit d’un lieu trèèèsss étrange. Un endroit complètement isolé du reste du monde, isolé par les Hommes (et non pas isolé naturellement, comme par exemple, Kamchatka). En réalité, il est plus isolé (par les Hommes) que les centrales nucléaires de Tchernobyl ou Fukushima. Pour passer au-delà de ces collines à l’horizon, c’est complètement impossible, même théoriquement, ni même par la voie des airs. On vous tirerait dessus !
Un paradoxe absurde de paradoxes, si seulement y en avait un : ils appellent cet endroit « démilitarisé ». Il s’avère que ce lieu est un des camps les plus lourdement militarisés de la planète ! Oui mes amis, il s’agit de la zone coréenne démilitarisée, la DMZ.
Voici un bref aperçu historique du lieu…
Durant la première moitié du 20ème siècle, la Corée (toute entière) était une colonie japonaise. Par la suite, en 1945, la Corée fut libérée par les efforts conjoints des Soviétiques et des Américains, les premiers occupaient la moitié nord du 38ème parallèle, et les derniers la moitié sud. Dans un contexte de politique de la guerre froide, la situation en 1948 finit par mener à l’établissement de deux gouvernements d’Etats distincts, la Corée du Nord et la Corée du Sud.
Les nouveaux gouvernements de la Corée du Nord et de la Corée du Sud était tous deux des dictatures militaires, et en 1948, lorsque les armées soviétiques et américaines se sont retirées, ce sont deux dictatures militaires qui ont été laissées en tête en tête. Je ne prétends pas être un expert en histoire, mais quelque chose me dit qu’une telle combinaison était extrêmement instable et prédestinée à la guerre. (Hmmm : en regardant ce qui va suivre, je dois avoir sans doute un expert en moi).
Deux ans plus tard effectivement : la guerre. Particulièrement barbare.
Aujourd’hui, cette guerre est appelée la guerre de Corée, qui a éclaté en juin 1950 et s’est achevée en juillet 1953. Soutenue par les Chinois mais également l’Union Soviétique (principalement pour les armes), l’armée nord-coréenne est allée jusqu’au point le plus au sud de la péninsule et s’apprêtait à gagner, jusqu’à ce que les Etats-Unis interviennent…
Les Américains arrêtèrent l’offensive provenant du nord, et l’armée sud-coréenne recula jusqu’à la frontière la plus au nord de la Corée du Nord ! Tout semblait aller bien pour la Corée du Sud, jusqu’à ce que les Chinois interviennent…
C’est ce qui a conduit à la ligne de front sanglante entre les deux Corées en guerre, montant en grade et parcourant la péninsule deux fois dans un sens et dans un autre. Durant toute cette période sens dessus dessous, pratiquement tout a été détruit, faisant près de cinq millions de morts. La population de la Corée avant la guerre était d’un peu moins de 30 millions, ce qui signifie que 10 à 15% de la population a été tué. D’ailleurs, un million de soldats chinois « volontaires » sont également morts, une vraie tuerie sauvage.
Cela a abouti à une ligne tracée entre le Nord et le Sud, divisant la péninsule pratiquement en deux parts égales. Cette ligne est la DMZ, 250km de long et 4 de large. Un lieu où l’Homme ne va jamais, et par conséquent, c’est un endroit riche pour la faune et la flore.
La Corée du Nord – la République populaire démocratique de Corée – est de facto un système étatique d’un parti unique communiste totalitaire (il existe en réalité trois partis politiques, mais un seul domine complétement dans tout) avec une économie complétement inexploitée, bien que des touristes étrangers soient autorisés à l’exploiter.
La Corée du Sud – la République de Corée – eh bien c’est tout simplement l’opposé de la Corée du Nord, vraiment. Ça n’a pas toujours été le cas. Auparavant, le Sud et le Nord étaient semblables, deux dictatures militaires pauvres. Mais au début des années 1960 en Corée du Sud, Park Chung-hee a mis en place des réformes économiques et politiques qui ont jeté les bases d’un avenir meilleur pour le pays. Tandis que la Corée du Nord est restée avec son format totalitaire, communiste, centralisé, fermé.
Une situation unique. Une expérience historique, si on laisse de côté le cynisme. Un pays, une culture, un peuple, qui en raison d’une confrontation sanglante a été divisé en deux, moitié-moitié. Je ne vois pas d’autres cas similaires. L’Angleterre contre les Etats-Unis ? Non : les systèmes politiques étaient les mêmes. Colonialisme espagnol ? Non : la guerre n’était pas permanente, et les colonies se sont libérées une par une de l’Espagne. L’Allemagne de l’Ouest et de l’Est ? Non : ils n’ont pas combattu l’un contre l’autre. La Corée du Nord et la Corée du Sud ? Oui : le seul cas. Deux Corées. Deux drapeaux. Deux histoires et deux destins différents…
Et entre ces deux Corées, se trouve un mur à peine visible à l’œil nu. Il y a également des haut-parleurs où le Nord crie des propagandes au Sud, et le Sud… des hits pop des années 70 !
Et malgré le danger imminent du lieu, c’est également une destination touristique, avec des voyages en bus qui se font tout autour ! Et ça devient de plus en plus populaire…
On peut également voir certains des tunnels qui ont été creusés par les Nord-Coréens tentant de se rendre en Corée du Sud (en réalité à la capitale). Hélas, les photos sont interdites, mais vous pouvez en trouver quelques-unes sur Internet.
Le tunnel a été percé dans du granite, et fait deux mètres de large et deux mètres de haut. Il faut se pencher un peu pour marcher à l’intérieur, étant donné que le port du casque obligatoire vous rajoute quelques centimètres. A l’intérieur, c’est un peu humide et l’eau s’écoule sur les murs. Ce n’est pas une promenade des plus agréables, ce n’est pas son but de toute façon. A propos, 3000 soldats pourraient traverser le tunnel en une heure.
Concernant les photos sur Internet : les tunnels ronds et terminés avec soin sont de la Corée du Sud, qui sont ouverts aux touristes. Les murs de pierre inégaux sont quant à eux les originaux, ceux qui n’ont pas été réformés.
Le premier tunnel aurait été découvert à cause de fumée qui s’échappait du sol : les Nord-Coréens cuisinaient leur repas ! D’autres furent découverts par la présence de transfuges qui en sortaient. En tout, quatre tunnels ont été détectés, mais il est probable qu’il y en ait 20 au total. Creuser aussi profond n’est apparemment pas faisable, et les tunnels sont découverts grâce à des « micro séismes ». Les Nord-coréens font sauter la roche avec de la dynamite. Et pour les détecter c’est simple : des trous verticaux profonds sont creusés dans le sol et remplis d’eau, et sont ensuite surveillés. Une explosion à la dynamite fait que l’eau dans les trous jaillit, et c’est comme ça qu’on les découvre.
PS : Voici la gare de Dorasan, la dernière avant la frontière. Nouveau bâtiment et nouvelles plateformes, mais rails rouillés, qui n’ont pas vu de train depuis longtemps. En réalité, un seul train arrive par jour, venant de Séoul.
Vue étrange.
Je me demande quand les trains pourront repasser par ici, sans frontière et sans passeport ?…
