octobre 5, 2016
L’histoire incalculable des calculatrices mécaniques.
Ma récente rencontre avec le Pape m’a fait rappeler l’existence d’objets oubliés tels que l’arithmomètre. Cette machine vous dira quelque chose si vous êtes de ma génération, tandis que pour les plus jeunes, elle vous paraîtra antique (une relique qui a des lustres), à une époque où Facebook n’existait pas (vous vous rendez compte ?) ni même Internet (QUOI ?!).
Mais il faut bien se rendre compte qu’avant l’époque numérique, la comptabilité du monde entier dépendait de l’arithmomètre, et plus encore. Par conséquent, cet article sera dédié aux arithmomètres, parce que leur histoire vaut la peine d’être racontée, surtout quand elle s’avère incroyablement fascinante :).
Quelle invention ! Bien sûr, vous pouvez en lire davantage sur Wikipédia, mais dans cet article je vous en ferai un résumé, avec ce qui selon moi sont les éléments clés.
Les calculatrices mécaniques ont fait leur apparition… il y a plus de 200 ans ! Elles étaient utilisées dans la Grèce Antique ! Quoi, vous ne le saviez pas ? Moi non plus, encore une fois ma mémoire me joue des tours. J’ai donc jeté un coup d’œil aux détails pour me faire chauffer les synapses.
Ah la voilà ! La machine d’Anticythère, dont l’origine remonte à un ou deux siècles avant JC, autrement dit il y a plus de 2100 ans !
Le mécanisme d’Anticythère est un ancien calculateur analogique et planétaire, utilisé pour prédire les positions des astres et des éclipses pour établir le calendrier ou l’astrologie hellénistique, tout comme les olympiades et les cycles des jeux olympiques antiques.
Contenue dans une boîte en bois de 340 mm × 180 mm × 90 mm, la machine est un mécanisme d’horlogerie complexe composée d’au moins 30 engrenages de maillage en bronze. Ses restes ont été trouvés dans un seul bloc, puis ont ensuite été séparés en trois principaux fragments, qui sont à présent divisés en 82 fragments suite à des travaux de restauration. Quatre de ces fragments contiennent des engrenages tandis que les inscriptions se trouvent sur bien d’autres. Le plus grand engrenage mesure environ 140 millimètres de diamètre et est initialement doté de 223 dents. (Wikipédia)
Ah ces Grecs !
1600 ans plus tard, Léonard de Vinci conçut un prototype de la calculatrice mécanique. Sa machine était dotée de 16 touches et de 10 dents à rouage.
Une autre longue pause, de 120 ans…
Selon des croquis retrouvés dans une lettre de Wilhelm Schickard datant de 1623, il aurait été le premier à inventer l’horloge calculante. Sa machine se composait de deux technologies : la première un abaque fait de bâtons de Napier pour simplifier les multiplications et les divisions qui avaient été découvertes pour la première fois six ans auparavant, en 1617. En ce qui concerne la partie mécanique, elle était dotée d’un podomètre avec un cadran pour effectuer des additions et des soustractions.
Deux décennies plus tard…
Blaise Pascal concevait une machine à calculer pour faciliter l’arithmétique fastidieuse, appelée la roue pascaline ou pascaline.
30 ans plus tard, « la calculatrice de Leibniz »…
–La calculatrice mécanique numérique a été inventée par le mathématicien allemand Gottfried Wilhelm Leibniz. Il s’agissait de la première calculatrice qui pouvait accomplir les quatre opérations arithmétiques. Ses rouages de précision complexes étaient pour l’époque une révolution technologique.
Après ça, s’en est suivie une véritable course à la calculatrice…
En 1674, Samuel Morland inventa la « machine arithmétique » sur laquelle les quatre lois fondamentales de l’arithmétique furent immédiatement travaillées « sans forcer la mémoire, perturber l’esprit, ou exposer les opérations à toute incertitude » (considérée par certains comme la première machine à multiplication du monde).
En 1709…
Giovanni Poleni fut le premier à concevoir une calculatrice qui utilisait une roue à nombre variable de dents.
Et maintenant place aux vrais arithmomètres, non leurs précurseurs…
L’arithmomètre de Charles Xavier Thomas de Colmar fut la première calculatrice mécanique commercialisée avec succès. Son design robuste lui a conféré une solide réputation de fiabilité et de précision, ce qui en a fait un élément clé concernant la transition des calculateurs humains aux machines à calculer qui s’est installée durant la seconde moitié du 19ème siècle.
Les débuts de la production en 1851 ont initié l’industrie de la calculatrice mécanique, dont la fabrication de ces machines a continué jusque dans les années 1970 [!!!!]. Pendant quarante ans, de 1851 à 1890, l’arithmomètre était le seul type de calculatrice mécanique dans la production commerciale, et a été vendu partout dans le monde. Durant les dernières années de cette période, deux entreprises ont commencé à fabriquer des copies de l’arithmomètre : Burkhardt, en Allemagne, qui a commencé en 1878, et Layton au Royaume-Uni, en 1883. Au total, près de vingt entreprises européennes ont fabriqué des copies de l’arithmomètre jusqu’au début de la Seconde Guerre mondiale.
Pendant ce temps en Russie, durant la même décennie (1850-1860), Pafnouti Tchebychev créa le premier arithmomètre russe.
Moins d’une génération plus tard, un autre résident de Russie (un immigré suédois ingénieur) commença la production en série de l’arithmomètre d’Odhner.
De 1892 jusqu’au milieu du 20ème siècle, des entreprises indépendantes furent établies partout dans le monde pour la fabrication des clones d’Odhner. Après avoir vendu des millions d’exemplaires, elle est devenue dans les années 60 la première calculatrice mécanique à avoir connu le plus grand succès de tous les temps.
Le 28 septembre 2016, un certain Eugène Kaspersky fit cadeau au Pape François de l’arithmomètre d’Odhner :
https://www.instagram.com/p/BK6AsyGguNu/
Sa production industrielle a officiellement débuté en 1890, dans l’atelier d’Odhner à Saint-Pétersbourg.
L’atelier modeste s’est progressivement transformé en une usine mécanique et de création du cuivre, appelée Odhner-Gill factory, où la première année ont été produits 500 arithmomètres. L’usine augmenta rapidement sa production, dépassant le nombre de 5000 arithmomètres. Les ventes de la calculatrice s’accrurent à travers le monde, faisant de l’entreprise le premier exportateur russe au monde dans le secteur de la calculatrice. (Source)
Il y a plus de 130 ans de cela, la Russie était donc exportatrice de matériel de calcul !
En 1891, Odhner ouvra une filiale de son usine en Allemagne. Malheureusement, il fut contraint de la vendre en 1892 à Grimme, Natalis & Co., du fait de la difficulté d’avoir deux usines de fabrication tant éloignées l’une de l’autre. Grimme, Natalis & Co. commença la production à Braunschweig et vendirent leurs machines sous le nom de la marque Brunsviga (Brunsviga est le nom latin de la ville de Braunschweig), en bâtissant ainsi leur succès de leurs propres mains.
Hélas, le reste de l’histoire est un peu beaucoup plus triste. Au lieu de changer son nom et de devenir un géant international tel qu’IBM (dont le nom original en 1911 était CTR (the Computing-Tabulating-Recording Company!) et fut renommée IBM en 1924)…
L’usine fut nationalisée pendant la révolution russe et se vit contrainte de fermer. Vers la fin de l’an 1917, la famille Odhner retourna en Suède et relança l’usine de leur calculatrice sous le nom de « Original Odhner ».
Oui, oui, je sais… avec des « si » et des « mais »… N’empêche que ça ne rend pas moins intrigant d’imaginer ce qui aurait pu se passer « si »… si cet évènement de 1917 (qui a changé sensiblement le cours du 20ème siècle) n’avait pas eu lieu. C’est renversant.
L’histoire de l’arithmomètre continue donc après 1917… :
En 1924, le gouvernement russe déplaça l’usine de production à Moscou qui commercialisa la calculatrice sous le nom d’Arithmomètre Felix, et qui allait comme sur des roulettes jusque dans les années 1970.
« Felix » était l’arithmomètre le plus populaire de l’URSS. Entre 1929 et 1978, des millions ont été fabriqués, déclinés en plus de 20 variations.
Durant la moitié du siècle, il fut fabriqué à un coût minime, en ayant une incidence sur son prix. Bien que cela conduisait à une qualité moindre, la simplicité du mécanisme réduisait considérablement le risque de dommages.
Le Felix était apparemment utilisé pour les calculs du voyage dans l’espace de Gagarine, sans parler de toutes les autres applications scientifiques/d’ingénierie/militaires de l’Union Soviétique du siècle dernier. Puis s’ensuivirent les calculatrices électroniques, les cybernétiques soviétiques, les ordinateurs soviétiques (y compris ES EVM) et bien d’autres encore. Mais ça c’est une autre histoire, qui n’est pas de l’ordre de l’arithmétique.
De nos jours, vous trouverez des arithmomètres dans les musées tels que le Musée Polytechnique de Moscou, le Deutsches Museum à Munich, et le musée des technologies informatiques à Hanovre.
J’ai également appris récemment qu’on pouvait en trouver chez des antiquaires, et à un prix raisonnable :).
C’est tout pour aujourd’hui mes amis ! A demain !…