juin 7, 2016
L’intelligence artificielle : la vérité artificielle – ici et maintenant.
L’intelligence artificielle… Deux mots qui ensemble évoquent tant d’émerveillement et d’admiration dans l’imaginaire des programmeurs, des fans de science-fiction et sans doute pour quiconque qui a de l’intérêt pour l’avenir du monde !
Grâce au meilleur ami de l’homme, le chien, R2-D2, le diabolique Skynet, le fantastique 2001 : l’Odyssée de l’Espace, le roman post-apocalyptique Les androïdes rêvent-ils de moutons électriques ? et sans doute Gary Numan, tout le monde s’est relativement bien familiarisé au concept de l’intelligence artificielle (AI). Et oui, avec les livres, le grand écran, les BD, euh… les pubs de la marque britannique de purée instantanée Smash, l’intelligence artificielle est partout. Elle est aussi largement présente dans les campagnes de marketing ou récemment apparue dans les entreprises de cybersécurité exceptionnellement ambitieuses. En réalité, il n’existe probablement qu’un seul endroit aujourd’hui où vous ne pouvez pas la trouver. La chose est telle que ce lieu unique est là pour recouvrir pratiquement tout ce qui constitue ce monde et toute la vie qui s’y trouve : la sphère non négligeable de « la vie réelle de tous les jours ».
Il est bien connu que depuis l’époque d’Alain Turing et Norbert Wiener (c’est-à-dire, aux alentours de la moitié du 20ème siècle) les ordinateurs se sont développés à pas de géants. Ils ont appris (on leur a appris plutôt) à jouer aux échecs, et ce mieux que les humains. Ils pilotent des avions, et même désormais des voitures sur la route. Ils écrivent des articles de journaux, sont victimes de malware et font plein d’autres choses utiles, bien que très souvent inutiles. Ils passent le test de Turing pour démontrer qu’ils détiennent un comportement intelligent équivalent à celui des êtres-humains. Toutefois, un agent conversationnel imitant simplement un adolescent de 13 ans et n’étant incapable de rien d’autre, n’est qu’un simple algorithme, pas un ensemble de bibliothèques. Il ne s’agit pas d’intelligence artificielle. Pas convaincus ? Je vous invite simplement à jeter un coup d’œil à la définition de l’intelligence artificielle, et à celle d’un algorithme, et d’ensuite comparer les différences entre les deux. Ce n’est pas de la science informatique.
On assiste actuellement à une vague d’intérêts à travers le monde concernant l’intelligence artificielle. Quelle que soit l’ampleur du phénomène, j’en ai perdu le fil…
Cette fois-ci, un philosophe à la mode d’Oxford a écrit un livre à propos de l’intelligence artificielle. Il pense que l’intelligence artificielle finira par arriver pour de vrai un jour, et qu’elle ne présagera rien de bon pour l’avenir. Bien entendu, cette annonce s’avère sérieusement inquiétante pour nous tous. Je veux dire qu’il ne s’agit pas d’un simple piratage d’un blog par exemple. Que va-t-il se passer alors ? Est-il bon de penser que l’intelligence artificielle et sa technologie singulière annonceront la mort de l’humanité ? Ou au contraire l’intelligence artificielle sera-t-elle le paradis sur Terre ?
Le livre de Nick Bostrom détaille également son enquête auprès des experts de la sphère de l’intelligence artificielle. Ils expliquent que la probabilité de création de l’intelligence artificielle sera de 50% en 2040, et de 90% d’ici 2075. On peut sûrement extrapoler que d’ici 2116, c’est-à-dire dans tout juste 100 ans, l’intelligence artificielle deviendra très probablement une réalité. Et pensez-y juste un instant – ce pourrait être l’intelligence artificielle elle-même qui pourrait débattre du problème de l’AI ! Ouah ! Aïe !
CEPENDANT. Il existe une autre conclusion qu’on peut déduire du livre : pour le moment, l’intelligence artificielle n’existe pas.
La semaine dernière, j’étais en Corée du Sud, et à un moment donné, un journaliste m’a posé à maintes reprises des questions à propos de l’intelligence artificielle dans la cybersécurité. J’ai gentiment esquiver le sujet et me suis mis à parler de thèmes plus urgents. Pourquoi ? Et bien parce que je ne vois pas le moindre intérêt de débattre sur quelque chose qui n’existe même pas.
https://www.instagram.com/p/BFfxljouiYJ/?taken-by=e_kaspersky
L’intelligence artificielle nécessite d’apprendre tout d’elle-même ; pour s’adapter, pour prendre des décisions dans des situations complètement nouvelles avec un ensemble incompréhensible de saisies de données en format multiple. De plus, elle a besoin d’être motivée indépendamment et d’être capable de transmettre ses avancées intellectuelles à ses descendants.
L’intelligence artificielle existera lorsque les machines qui atteindront le niveau intellectuel des humains apprendront comment concevoir encore plus de machines intelligentes, et ce encore et encore, de manière exponentielle, provoquant une explosion de l’intelligence et la fin du monde prévue un jour. Du moins, d’après les futurologues.
Mais quand tout cela va-t-il se produire ? Avant que la première équipe vole jusqu’à Alpha Centauri, ou après ?
Nous (ou nos petits-enfants) n’avons plus qu’à attendre et voir. Mais regardons les choses en face, ce n’est pas pour tout de suite, d’ici 2074 ou au mieux en 2040 !
En attendant, si on retourne en 2016, on découvre que l’intelligence artificielle, du moins ce qu’on peut en imaginer, demeure principalement dans la culture populaire et le marketing. Dans mon article précédent concernant l’intelligence artificielle/le darwinisme dans le monde de la cybersécurité, j’en avais écrit pas mal à ce sujet. Petit récapitulatif : De nos jours, de nombreuses entreprises essayent de vendre toutes sortes de #poudredeperlimpinpin, de gadgets en tout genre, y compris bien évidemment ceux relatifs à l’intelligence artificielle.
'AI oil' – the latest strain of snake oil in #infosec. Watch out: https://t.co/4n5TVNJ4dA #ai_oil pic.twitter.com/iImN8ofG1p
— Eugene Kaspersky (@e_kaspersky) May 25, 2016
Malheureusement, la vague grandissante de l’intérêt général concernant l’intelligence artificielle implique que nous ne sommes pas seulement en train d’assister à de véritables nouveaux projets scientifiques comme ceux dans le domaine du réseau de neurones artificiels, mais aussi à une « intelligence artificielle » dénuée de sens.
Et vous entendez souvent que dans le monde moderne de la cybersécurité, on observe de petits bourgeons éclore : des produits nouvelle génération fournissant une précision sans précédent en détectant des malwares à l’aide de « l’intelligence artificielle » avancée.
Donc si quelqu’un commence à vous raconter toute une histoire sur de telles réflexions, je vous conseille rapidement de vous excuser. Mais avant de le faire, vous pourriez demander à ces vendeurs en question à combien ils estiment leurs chances de recevoir le Prix Nobel de la paix ? Après tout, prendre la plus grande invention de l’histoire de l’humanité et l’appliquer dans la cybersécurité comme étant la première chose qu’ils font commercialement parlant, vaut certainement une flopée de prestigieux prix scandinaves non ? (D’ailleurs, je me demande comment tout cette « intelligence artificielle » s’en sortirait lors du test de Turing ?)
Bien entendu, vous n’aurez pas de réponse satisfaisante dans la mesure où il n’y a aucune chance pour qu’ils obtiennent un Prix Nobel de la paix puisqu’ils n’utilisent pas l’intelligence artificielle, elle n’existe même pas. Pas de chance.
Ce qui existe, c’est l’apprentissage automatique. Et les technologies s’y référant ont été utilisées de nombreuses fois depuis des lustres. En cybersécurité par exemple, les robots font une grande partie du boulot. Ils découvrent et identifient les malwares et les analysent, ensuite ils créent un « répulsif », le testent et le distribuent, et en font une partie de la protection globale. Tout ceci se produit des centaines de milliers de fois par jour, automatiquement. De plus, les robots apprennent constamment et la détection est sans cesse en train de faire des progrès et de s’améliorer. Seule une infime partie du travail nécessite la contribution d’un expert humain.
S’agit-il donc de l’intelligence artificielle de l’apprentissage automatique ? Non. Ce ne sont que des algorithmes informatiques. Et dans notre cas il s’agit du plus haut grade de professionnalisme, de talent et de passion pour la lutte contre la cybercriminalité. Le qualifier d’intelligence artificielle serait au mieux erroné, et au pire résolument faux.
Si quelqu’un essaye de vous vendre une intelligence artificielle d’auto-perfectionnement pouvant « protéger votre ordinateur de toutes les menaces », eh bien cette même personne ne sait pas de quoi elle parle, purement et simplement.
Si quelqu’un inventait l’intelligence artificielle, aussitôt elle serait connue du grand public et aurait un impact colossal et bien plus encore dans le domaine de la cybersécurité relativement petit (quoiqu’important). N’importe qui peut essayer de vendre une berline familiale en prétendant qu’il s’agit du Faucon Millenium, cela ne veut pas dire pour autant qu’il fera de vraies ventes de ces berlines familiales. De la même façon, peu importe à quel point vous souhaitez disposer d’une protection absolue ici et maintenant, les faux espoirs ne vous permettront pas d’y accéder. Alimenter les revendeurs de produits miracles s’avère totalement inutile.
L’intelligence artificielle existe-t-elle ou s’agit-il d’une ruse utilisée dans le but de vendre des produits miracles ? #ai_oil via @e_kaspersky Tweet